Sachez bien accompagner vos cauchemars : la trame sonore du film d’horreur (1931 à 1978)

Sachez bien accompagner vos cauchemars : la trame sonore du film d’horreur (1931 à 1978)

 

Le film d’horreur (ou fantastique) a bel et bien marqué l’histoire de la musique. Comment imaginer le shock rock à la Alice Cooper, le punk rock, la New Wave ou encore — de manière plus évidente — le mouvement Goth sans l’esthétique ou la sonorité propre à la pellicule de peur ?

 

L’horreur aux premiers temps de l’ère du son

Étonnament, les premiers films d’horreur de la Universal — soit le « Dracula » de Browning et le « Frankenstein » de Whale qui ont fait office pionniers de l’horreur de masse en 1931 — n’utilisaient que peu ou pas de musique en dehors des séquences de titre. Et encore. Souvent, l’utilisation de pièces génériques tirée du répertoire classique prime (l’utilisation du « lac des cygnes » demeure à ce jour pour votre humble animateur un mystère complet).

 

C’est avec « Bride of Frankenstein » (1933) que le cinéma d’horreur gagne sa première vraie bande sonore sous la composition de Franz Waxman, artiste-maison de la Universal qui signera des dizaines de partitions pour long-métrage jusqu’en 1967.

 

Les années 40 : froids dans le dos incognitos !

À la fin des années 1930 et dans les années 1940, des compositeurs inconnus et souvent non crédités comme Hans J. Salter et Frank Skinner donnent le ton à des musiques d’horreur ultérieures.

 

Souvent, la musique est sombre et luxueusement romantique, mais fortement influencée par l’impressionnisme, l’atonalité et le sérialisme. Un des principaux exemples est « The Wolf Man » (1940), auquel Salter et Skinner ont tous deux contribué.

 

Les années 50 : Thérémine au tapis

Comme chaque nerd de cinéma fantastique le sait (présent !), l’horreur tourne au ralenti au cours des premières années des années 50.

 

C’est que la science-fiction à saveur apocalyptique et nucléaire colle de plus près aux réalités de la guerre froide. Cette angoisse trouvera sa voix dans un instrument qui fait high-tech tout en donnant une couleur tonale angoissante de chœur de Requiem (et j’entends ici le son propre à la messe funéraire) : le thérémine.

 

Comme ce dernier constitue l’un des premiers instruments électroniques, le mariage entre l’instrument au son de scie chantante (ou violon sidéral à votre choix) et la sci-fi est parfait. Son utilisation, lancée par « The Day the Earth Stood Still » (1951) s’intensifiera jusqu’à la parodie en cours de décennie.

Le passage vers l’électronisme trouvera son aboutissement le plus intense avec la trame sonore « Forbidden Planet » (1956), concert de bip et de bloup analogue créés de manière artisanale par Bebe Barron et Louis Barron.

 

1958 : Années « Chiller »

 

L’année 1958 marque une étape majeure dans la diffusion et la popularisation des trames sonores d’horreur classique des années 30 et 40.

 

C’est à cette date en effet qu’atterrit à la télévision américaine une large partie des films fantastiques conçus dans les studios Universal, exposant ainsi de manière répétitive toute une génération de jeunes aux classiques de l’épouvante.

 

Cet atterrissage relancera de manière intense le goût pour l’horreur, qui s’exprimera souvent dans la série B et surtout Z. L’horreur allait être sauvée et remise au goût du jour par plusieurs cinéastes européens dont la production moins coûteuse trouvera facilement preneur dans le réseau parallèle de cinéma fréquenté par les « teenagers », c’est-à-dire les ciné-parcs et les cinémas de quartier.

 

Les films Hammer (1958-1970) : conservatisme sur toute la gamme

C’est une petite boîte britannique, Hammer Films, qui revigorera le secteur Horreur avec un sang nouveau.

 

Même si la reprise des thèmes établis par la Universal avec son écurie de monstruosités (Dracula, Frankenstein, la Momie, le Loup-garou, etc.) se fera en couleurs grand-guignols avec dose d’hémoglobine et de décolletés, la formule Hammer ne dérogera pas tellement de la ligne tracée par Universal.

 

En conséquence, les trames de la Hammer reprendront l’essentiel de la méthode Waxman, Salter et compagnie en mode encore plus dramatique et intense.

 

Leur direction musicale suivra celle dictée par le compositeur James Bernard, dont les partitions rythmées et souvent frénétiques de films comme « Dracula » (1958) et « Plague of the Zombies » (1966) sont parmi ses plus connues. Bernard aimait particulièrement utiliser la partition pour jouer avec la rythmique des syllabes du titre du film — sa signature à trois notes pour Dracula peut être chantée, et en la préfigurant avec quatre autres notes, Bernard pouvait souligner le titre principal de « Taste the Blood of Dracula ». Plaisantin va.

 

En fait, Hammer a employé plusieurs autres compositeurs, dont Franz Reizenstein (« The Mummy », 1959), Malcolm Williamson (« The Brides of Dracula », 1960) et Tristram Cary (« Quatermass and the Pit », 1967, et « Blood from the Mummy’s Tomb », 1971).

 

Malgré l’influence atonale évidente sur les premières partitions de Universal, la partition de Benjamin Frankel de 1960 pour « Curse of the Werewold » (1960) est considérée par certains comme contenant le premier thème de film entièrement basé sur le système tonal dodécaphonique de Schoenberg.

 

1958 à 1966 : Le garage rock et Halloween

 

L’intérêt généré par toute cette vague d’horreur tire bien évidemment l’oreille de la culture populaire adolescente.

 

Outre la fondation du célébrissime magazine « Famous Monsters » entièrement consacré à l’horreur classique et l’arrivée en masse d’horreur de série Z sur les écrans jaunis de seconde zone, l’horreur se glisse en mode parodique dans le rock avec la présence de pièces rock dans « Earth vs Spider » (1958).

 

La décennie qui suit verra déferler une vague composée de centaines de titres horrifiques lancés par de minuscules étiquettes où des centaines de groupes montés pour l’occasion lanceront des centaines et des centaines de pièces composées sur le bord d’une console et enregistrées dans l’heure en une seule prise.

 

Ces pièces, souvent bien grasses et simplistes avec un son décidément pourri, ne tomberont pas dans le tympan d’un sourd et jetteront les bases d’un mouvement qui, une dizaine d’années plus tard quelque part dans les 1976, se perceront le nez d’une épingle à couche.

 

 

Première moitié des années 60 : La trame sonore horreur aux É.-U., dormir au gaz et douche froide

 

La trame sonore américaine d’horreur ne se distingue que peu ou pas au cours de la fin des années 50 jusque vers la mi-soixantaine.

C’est que les grands studios lèvent le nez sur l’horreur.

 

On notera cependant la partition pour cordes de Bernard Herrmann dans Psycho d’Hitchcock (1961) qui changera à jamais le son de la musique d’horreur avec ses rythmes poignardants. La douche ne sonnera jamais plus comme avant.

 

Années 60 et 70 : L’Italie (puis l’Europe) brise le moule des bandes sonores

La musique des films d’horreur italiens de type Giallo (meurtriers psychopathes à gants) initie une révolution musicale en continuité du cycle films d’espion et Western italiens et… Et pour cause, la saveur vaguement jazz et expérimentale du tout est donnée par les mêmes compositeurs : Piero Piccioni, Piero Umiliani, Gianni Ferrio, Bruno Nicolai, Berto Pisano, Alberto Baldan Bembo, etc. Et Morricone bien sûr.

 

Proéminentes de 1968 à 1978, les bandes sonores d’Italie dépassent les frontières en proposant de la musique lounge, du groove psychédélique et du heavy rock.

 

Des metteurs en scène chevronnés, comme Dario Argento, recherchaient des artistes émergents pour produire des bandes sonores impensables il y a à peine dix ans. Même John Carpenter, le compositeur d’Halloween (1979) et de nombreuses autres grandes bandes sonores d’horreur, a déclaré qu’il était fortement influencé par la musique des films de Giallo.

 

 

Les années 70 et 80 : La renaissance du film d’horreur Made in É.-U.

Dans les années 1970, on assiste à une nouvelle vague de films slasher, qui ont tendance à avoir des partitions plus contemporaines, souvent à l’aide d’instruments électroniques.

 

Pour « The Exorcist » (1974), William Friedkin rejette une partition de Lalo Schiffrin au profit d’un morceau initialement temporaire utilisé pour rythmer le montage du long-métrage : une partie du « Tubular Bells » de Mike Oldfield.

 

Le réalisateur John Carpenter emboîtera le pas avec « Halloween » (1978), probablement le thème de film d’horreur le plus connu.

 

 

 

 

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