Nicholas Gebhardt. Vaudeville Melodies: Popular Musicians and Mass Entertainment in American Culture, 1870–1929 (2017).
Nicholas Gebhardt. Vaudeville Melodies: Popular Musicians and Mass Entertainment in American Culture, 1870–1929. Chicago: University of Chicago Press, 2017.
Le Vaudeville, malgré son importance historique, n’est pas sujet d’une foule d’ouvrage. C’est pourquoi chacun d’entre eux mérite un intérêt particulier.
Le Vaudeville : creuset du divertissement nord-américain
Le livre de Nicholas Gebhardt apporte sa pierre à l’édifice en offrant une lecture économique du phénomène qui, aux États-Unis, n’a connu qu’un âge d’or d’une cinquantaine d’années, mais dont l’influence se fait toujours ressentir de nos jours avec des émissions de pur divertissement (aucune calorie !) comme « America’s Got Talent ».
Un canal hautement codé d’expression ouvrière
La thèse de Gebhardt est toute simple et ne détonne pas de la littérature analytique des 60 dernières années. Cette parade anarchique de chanteurs solistes et d’instrumentistes, de danseurs, de comiques, d’animaux, de jongleurs, de « stand up », de saynètes en un acte, d’ensembles musicaux, d’hommes forts, de travestis, de contorsionnistes, d’athlètes, et de magiciens offre de tout pour tout le monde. Elle offre un canal d’expression (aussi minime soit-il) à toutes les couches sociales, tous les groupes culturels, et toutes les identités sexuelles. Une démocratie du n’importe quoi qui remet en cause les valeurs et les idéaux culturels dominants et, ce faisant, négocie des questions complexes d’identité comme le sexe, la race, la classe et le patrimoine culturel.
Le divertissement à la chaîne : une infrastructure industrialisée et socialement aseptisée
L’ouvrage met l’accent sur les artistes du vaudeville, qui en sont venus à comprendre leur rôle en tant qu’artistes populaires attirant un large public, ainsi qu’en tant qu’arbitres d’une nouvelle entité appelée « show business ». Le vaudeville, affirme Gebhardt, « a donné naissance à un tout nouvel ensemble de relations entre les interprètes, les directeurs et le public, qui a eu un impact sur la musique populaire d’une manière que nous n’avons pas encore pleinement appréciée ».
Au cours de dix chapitres de son analyse, Gebhardt présente des reportages de première main de divers artistes, managers et critiques, démontrant comment chaque interprète, agent de booking et producteur a pris conscience des besoins et des désirs égalitaires de son public.
Le vaudeville constituait avant tout un carrefour ouvrier, une « synthèse » qui « attirait un public urbain immense et hétérogène », fournissant « une industrie mondiale du divertissement qui exploitait impitoyablement ses milliers de travailleurs, réduisait le divertissement populaire et la performance musicale à des routines et formats hautement standardisés, et traitait le public en consommateur passif du théâtre en un tout ».
Le mélange de numéros et de non sequiturs de Vaudeville a donné naissance à un format de divertissement portable qui a voyagé, comme un cirque, de ville en ville à travers les États-Unis.
La nécessité d’une publicité et d’une publicité avancées, ainsi que l’essor de la fabrication, de l’industrialisation, du marketing, de la consommation et de la culture d’entreprise au cours de la période, a remodelé l’industrie du divertissement par des producteurs novateurs comme B. F. Keith, P. T. Barnum, E. F. Albee ainsi que de multiples acteurs et programmeurs du Vaudeville qui ont pris le contrôle des lieux de spectacle et les ont structurés en réseau standardisé, rentable et national.
Le principal changement a été l’assainissement moral des spectacles, le rejet des différences et l’imposition de la respectabilité afin d’élargir la base de l’auditoire.
Gebhardt souligne particulièrement les conditions endurées par les artistes. La culture d’entreprise des agents de booking et des annonceurs a influencé la façon dont les artistes se sont comportés sur scène et comment ils ont compris leur position face aux exigences du public et aux exigences des managers et des producteurs.
Le caractère transitoire du spectacle, du lieu pittoresque au mouvement nationalisé, a contraint les artistes du vaudeville à se « reformater » et à « ont développé leurs routines en fonction de la nouvelle culture de la consommation (…) en étendant leurs spectacles dans les restaurants, les bars, les boîtes de nuit, les soirées sociales et dans les rues des nouveaux quartiers de divertissement ».
La spécialisation des numéros, condition de transition musicale vers Tin Pan Alley
Le chapitre 8 de l’ouvrage offre une avenue intéressante d’exploration future expliquant la transition de la forme musicale du Vaudeville vers celle de Tin Pan Alley à travers l’œuvre d’Irving Berlin.
L’auteur se concentre ici sur l’originalité de la musique de vaudeville, en particulier les contributions d’Irving Berlin, avec son style cadencé et ses rythmes chantants. Berlin, influencé par l’auteur-compositeur Stephen Foster, assoit l’« esthétique du vaudeville », selon laquelle « l’émergence de la variété, puis du vaudeville, impliquent une série de changements graduels dans le rôle de la musique, en particulier l’accompagnement fourni pour éléments de divertissement de plus en plus spécialisé et précodé. Berlin impose, entre autres, le “refrain réinterprété” dans son écriture, une façon de capter les mélodies accrocheuses qui pourraient être utilisées tout au long du spectacle de vaudeville, qui est devenu la norme pour les autres vaudevilliens.
Archéologue musical depuis ses 15 ans en 1983 (ouais, ça sent Popoca la momie aztèque ici!), Eric traîne ses savates de sillon en sillons, du punk au classique, de l’industriel au jazz, du psychotronique au folk, et de la variété au world beat. Bien évidemment, ça fait beaucoup de bagages si on y ajoute toute de sorte de ragots, de rumeurs et de bavardages à moitié bien rapportés en live. Mais il aime tout cela le brave et donne de son sang et de son temps. On lui pardonnera donc sans confession !