Musique psychédélique à la New Yorkaise : Bohémiens speednicks, jazzmen libres, compositeurs concrets, bruitisme et drone

Musique psychédélique à la New Yorkaise : Bohémiens speednicks, jazzmen libres, compositeurs concrets, bruitisme et drone

Pour consulter une introduction au mouvement psychédélique, aller à notre Panorama mondial de la musique psychédélique : « Everybody must get high ».

 

La scène psychédélique de San Francisco est couverte dans le billet Pour les 50 ans de Woodstock: Naissance et Mort du mouvement hippie de San Francisco (1965-1970).

 

 

Musique psychédélique à la New Yorkaise : Bohémiens speednicks, jazzmen libres, compositeurs concrets, bruitisme et drone

 

Le vague psychédélique n’a certes pas attendu 1967 pour frapper de plein fouet la Big Apple.

 

Dès la fin des années 50, les fins connaisseurs vibrent déjà au son d’une multitude de musiciens de Free Jazz et de compositeurs de musique concrète.

 

Amphétamines aidant, et Beatniks toujours prêts à tirer la langue ou le bras devant de nouvelles expériences psychédéliques, la faune folk locale expérimentait depuis longtemps le métissage neuronal et musical sous la houlette de Harry Smith.

 

L’étiquette ESP, source de confusion : The Fugs, les Holy Modal Rounders et The Godz

Dès 1964, l’étiquette ESP — dont le slogan est « Seuls les artistes décident de ce que vous allez entendre » — amalgame plusieurs artistes influents qui marqueront l’imaginaire et la pratique culturelle de la Big Apple.

Au tout début, elle documentera les premiers enregistrements du free jazzer Albert Ayler avant de s’attaquer à Sun Ra. Suivront plusieurs autres musiciens de la tendance.

 

En 1964, ESP offre un premier album aux Holy Modal Rounders. Le duo folk leur livrera une ragoût de déconnage « stream of consciousness », la première mention sur parole de l’expression « psychedelic », un folk parsemé de « stop and go », et d’expérimentation en studio.

 

Puis, en 1965, l’étiquette récidive avec une bible de la vulgarité et de musique improvisée principalement par des non-musiciens, une réédition d’un obscur lp de Fokways, le premier opus des Fugs.

 

Mi-charme, mi-chaos, « The Fugs First Album » présente une vision musicale fragmentée propre aux speedfreak avec une production punkisante. Côté paroles, les tabous explosent sous l’avalanche de vulgarités et de colère contre le statu quo politique et social de l’Amérique. Avec cet album, ESP et les Fugs ouvriront la voie à l’indignation encore plus novatrice de Zappa, du Velvet Underground et d’autres.

Troisième sortie historique de la musique psychédélique, le premier 33 des Godz « Contact High with Da Godz », présente un 25 minutes de jams improvisés et répétitifs qui ne ressemblaient à aucun son jamais produit auparavant, à moins que quelque part à Greenwich Village avant 1966, un groupe avec des instruments faits maison ne tente de jouer trois chansons différentes simultanément tout en déboulant dans un escalier.

 

Avant sa fermeture définitive en 1974, l’étiquette ESP présentera également les premières sorties vinyles de Timothy Leary (1966), de Pearls Before Swine (1967), de Cromagnon (1969), de Charles Manson (1969) et du Velvet Underground (1966).

 

Velvet Underground: une réponse névrosée, décadente et nihiliste à l’optimisme de San Fran

 

Si les planants de San Francisco ornaient de fleurs et de bonne volonté leur musique psychédélique inspirée de lysergisme, c’est de pessimisme, d’ennui et de bruit que New York revêtait la sienne. Des notes accrochées les unes aux autres par le speed ou l’héroïne.

 

De Velvet Underground quoi.

 

Le Velvet Underground préférait nettement fouiller les ruelles étroites des quartiers défavorisés de la ville et le subconscient urbain à la recherche d’émotions refoulées, inavouables à parfums de danger.

 

Leur but n’était pas la reproduction sonore de l’expérience psychédélique : leur véritable but était de fournir un documentaire sur le climat décadent, désaffecté et cynique qui se répand parmi les artistes de la ville.

« The Velvet Underground And Nico » enregistré au printemps 1966, comprend un nombre impressionnant de morceaux de choix (la plupart écrits par Lou Reed et John Cale, et interprétés par Nico) : des hymnes froids, spectraux et automnaux comme « Femme Fatale », « All Tomorrow’s Parties » et « Black Angel’s Death Song », le boogie mal à propos « Waiting For My Man », le chaos en crescendo de « Heroin » la dissonance de « European Son » le raga décadent de « Venus In Furs ». Le tout bien imprégné d’inquiétude et parsemé de fétichismes variés.

 

Le second album du Velvet, « White Light White Heat » (1967) poussera la démarche à fond avec bruits, distorsions insoutenables, bourdonnements et drones. « Sister Ray » à l’appui.

 

 

Et les autres groupes psychédéliques de la scène new-yorkaise

 

The Blue Magoos

The Blues Magoos a sorti l’un des premiers albums psychédéliques, « Psychedelic Lollipop » (1966), caractérisé par une certaine tristesse, sa livraison protopunk, et ses touches de guitare acid rock.

 

Cromagnon

Cromagnon a sorti un des albums les plus radicaux, futuristes et effrayants de l’époque, Orgasm (1969), un chaos dadaïste/tribal qui combine percussions primitives et musique concrète ; gémissements, grognements, chants et cris non verbaux effrayants ; cornemuses ; sons de guitare psych-rock ; harmonies à la Brian Wilson ; échantillons radio et autres.

 

Mystic Tide

Mystic Tide a sorti certains des premiers hymnes psychédéliques, notamment « Frustration » (1966) et « Psychedelic Journey » (1966).

 

Pearls Before Swine

Pearls Before Swine est un grand groupe qui s’est aventuré dans le folk psychédélique dans les années 1960. Leurs deux chefs-d’œuvre, « One Nation Underground » (1967) et « Balaklava » (1968) sont des mosaïques de chansons atmosphériques surréalistes, richement arrangées et influencées par la musique classique et jazz. Chaque album comporte une riche palette de timbres : orgue, harmonium, piano, harpe, vibraphone, cor anglais, clarinette, célesta, banjo, sitar, flûte…

 

United States of America

Des arrangements bizarres et éclectiques figurent en bonne place sur United States Of America (1968), le seul et unique album publié par les United States of America de Joe Byrd (un pionnier de longue date de la scène jazz et de musique concrète de NY). L’album est un florilège d’expériences sonores. il est aussi un des premiers albums sur lequel toute une série de claviers (pas seulement piano ou orgue) peint la quasi-totalité de l’environnement sonore. On y retrouve des soupçons de techniques de cut-up, des ballades jazz atmosphériques et des pastiches parodiques du Great American Songbook.

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